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Mauvais résultats : est-ce la fin de l'ère Netflix ?

netflix
25 juin 2022
Média et télécoms

Le géant intouchable du divertissement serait-il sur le point de vaciller ? Fin avril dernier, Netflix annonçait une chute historique de son nombre d’abonnés : 200 000 utilisateurs ont quitté la plateforme au premier trimestre de l’année, mettant fin à une décennie de croissance ininterrompue au niveau mondial. Une nouvelle surprenante lorsque l’on sait que l’entreprise prévoyait un gain de 2,5 millions d’abonnés sur cette période.

En conséquence, l’action de l’entreprise a chuté de 25% en bourse et, en interne, des sources font état d’un sentiment de doute et de manque de confiance en l’avenir parmi les salariés.

Quelles sont les raisons qui ont amené à ces résultats ? Est-ce vraiment la « fin d’une ère » comme le prophétisent certains médias ? Une analyse du marché du streaming, marqué par une concurrence accrue, nous offre quelques réponses.

Une hégémonie contestée et une stratégie questionnable

Quelques facteurs conjoncturels ont participé à cette baisse historique. Par exemple, la suspension du service en Russie, suite à la guerre en Ukraine, a fait perdre 700 000 abonnements d’un coup. On peut également citer la fin des confinements, périodes où les abonnements et le temps d’écran ont explosé.

Il y a aussi un mécontentement grandissant des téléspectateurs qui reprochent à Netflix de privilégier la quantité à la qualité. Ils estiment que la plate-forme devrait plutôt se concentrer sur un petit nombre de contenus de plus grande qualité. Dans ce sens, ils critiquent également l’interface difficilement navigable au vu de l’immense quantité de titres.

Enfin, certaines décisions récentes de Netflix ont fait grand bruit. L'entreprise a d'abord annoncé une augmentation de ses tarifs. Puis, peu après, elle a annoncé vouloir lutter contre le partage de mots de passe, qui lui fait perdre plus de 5 milliards par an, en faisant payer un supplément aux utilisateurs.

Cependant, au-delà du court et moyen terme, les raisons principales de ces mauvais résultats sont bel et bien structurelles.

Le marché du streaming vidéo a connu des changements structurels importants ces dernières années. Le paysage concurrentiel s’est progressivement peuplé de plusieurs acteurs qui ont entamé les parts de marché de Netflix de manière plus ou moins importante.

D’un côté, on retrouve des studios de production disposant déjà d’un catalogue fourni comme Disney avec Disney+ ou Warner Bros via HBO Max. Tirant profit des confinements, ils affichent une croissance parfois fulgurante. Par exemple, le service de Disney a passé la barre des 100 millions d’abonnés deux ans seulement après son lancement.

On assiste également dans plusieurs pays au développement de plateformes pour le marché national, émanant souvent de chaînes de télévision déjà bien implantées. Ce sont des services comme HBO, Hulu ou Peacock aux Etats-Unis (qui sont déjà en train d’envisager une expansion à l’international), ou encore Orange TV, OCS et Salto en France.

A noter que ces services ont récupéré des licences qui étaient auparavant sur Netflix afin de les diffuser exclusivement de leur côté (les productions Disney ont toutes été rapatriées sur Disney+, par exemple).

De l’autre côté, ce sont les services de streaming de géants du numérique. Amazon Prime et Apple TV, fruits de la diversification des deux GAFAM, sont des offres comprises dans les abonnements et posent un sérieux challenge à Netflix du fait des moyens financiers considérables des sociétés-mères.

D’une manière générale, les concurrents reprennent le modèle qui a fait le succès de Netflix, à savoir allier des classiques appréciés du public (provenant d’autres studios) à des productions originales. Une formule qui a fait le succès de Netflix avec des « Originals » comme Stranger Things, The Crown, Don’t Look Up…

Une diversification en perspective ?

Des décisions ont d’ores et déjà été prises par Netflix pour amorcer un semblant de renouveau. Il a été décidé d’arrêter la production de plusieurs séries qui ont une audience jugée trop faible, à l’instar de la série française « Drôle » de Fanny Herrero, pourtant saluée par la critique.

Dans ce sens, nous verrons peut-être une baisse sensible du nombre de « Netflix Originals » au profit d’une plus grande qualité de produit. Au niveau de sa stratégie, Netflix a historiquement fait le choix de se concentrer sur ses productions originales et de minimiser la présence de contenus provenant d’autres studios. Au vu des mauvais résultats, on assistera peut-être à un retour de certains contenus populaires afin de capter des abonnés.

L’offre d’abonnement pourrait aussi être amenée à changer. Reed Hastings, co-fondateur de la société, dit réfléchir à mettre en place une formule à prix réduit qui serait financée par de la publicité sur la plateforme. Ce serait une grande première pour Netflix, qui a longtemps refusé cette éventualité.

Une stratégie qui reste à inventer

Bien que la nouvelle ait fait grand bruit dans la presse généraliste et spécialisée, il ne s’agit pas de la « fin de Netflix ». La plateforme maintient sa première place mondiale avec 221,64 millions d’abonnés en mars 2022.

Plutôt qu’un déclin, Netflix entame une nouvelle période de son histoire, marquée par un environnement concurrentiel plus fort et une nécessité de revoir son business model pour garder sa position de leader sur le marché. La perte des 200 000 utilisateurs devrait faire office d’électrochoc pour un changement de cap. Ce dernier pourrait passer par la diversification de l’offre : à titre d'exemple, l’an dernier, l'entreprise annonçait vouloir investir dans une branche « jeux-vidéos ».

À ce stade où le service vidéo semble ne plus suffire à l’heure où beaucoup d’alternatives crédibles existent, le futur Netflix reste à inventer. Qui sait, peut-être verra-t-on la sortie d’un seul épisode de série par semaine ou bien des grandes premières directement projetées au cinéma ?

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Paul Rebeyrotte
Senior Partner - Directeur de l'Offre Médias et Télécoms

Accélérée par la crise sanitaire, la révolution numérique du secteur se poursuit. Portées par les nouvelles technologies, les entreprises du secteur continuent à se diversifier en digitalisant leur contenu sur de multiples canaux. mc2i accompagne ses clients grands comptes des médias et des télécoms pour faire face à ces nouveaux défis.

Mehdi OUAHES
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